Lucie & Simon “Silent World”

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Simon Brodbeck & Lucie de Barbuat ©Brodbeck & de Barbuat

Prémonitions

Silent World. Cela pourrait ĂȘtre un titre de film, une idĂ©e Ă©videmment trĂšs prĂ©monitoire pour un projet rĂ©alisĂ© en 2009 qui nous proposait dĂ©jĂ  une rĂ©flexion sur notre civilisation, la vie et la mort, l’Ă©ternitĂ©.

Brodbeck & de Barbuat – Silent World “Rome” ©Brodbeck & de Barbuat

Un monde silencieux, immobile oĂč toute existence de vie semble avoir disparu, puis en observant de plus prĂšs ces photographies, apparait fortuitement une silhouette, que fait-elle solitaire parmi ces vestiges d’une civilisation volatilisĂ©e ?

Question existentielle ?

A quoi pensaient Simon et Lucie en rĂ©alisant cette sĂ©rie, pensaient-ils dĂ©jĂ  au Monde d’aprĂšs, pouvaient-ils croire qu’un jour ces quatre villes Beijing, Rome, Paris, New-York seraient englouties par un virus, des images qui prennent une autre dimension aprĂšs ce que nous avons vĂ©cu entre le 17 mars et le 11 mai.

Réalité ou fiction ?

C’est si Ă©trange d’avoir pu vivre en vrai ces deux derniers mois de confinement, la disparition humaine sur tous ces lieux visitĂ©s par les photographes dix ans auparavant. Une atmosphĂšre irrĂ©elle et tragique d’un film de science-fiction. Cela me fait penser Ă  ce film Inception, je vois cette affiche oĂč Leonardo di Caprio seul dans New-York, interprĂšte un voleur de secrets en s’infiltrant dans notre subconscient. Quand je regarde ces images, j’ai l’impression d’ĂȘtre dans un rĂȘve, une Ă©manation d’une situation spĂ©ciale, dĂ©concertante, une promeneuse solitaire dans ces villes emblĂ©matiques.

Brodbeck & deBarbuat -“A Silent World” for The Gaze of a Parisienne & Spirit Now London

Duo d’artistes

Simon Brodbeck et Lucie de Barbuat se rencontrent en 2004, le premier est assistant photographe, la seconde travaille dans un laboratoire argentique. Tous les deux commencent Ă  dĂ©velopper d’abord chacun pour soi, des projets de paysages de nuit, puis ils partent ensemble, toujours de nuit, le jour, ils travaillent, pour des expĂ©ditions photo et naturellement le projet artistique Ă  deux se concrĂ©tise. Dans la sĂ©rie Earth Vision, ce qui leur plaĂźt c’est de rĂ©vĂ©ler par la magie de l’appareil ce que nous ne pouvons apercevoir Ă  l’oeil nu quand il fait noir.

Leurs rĂ©fĂ©rences de l’histoire de l’art, allemande pour Simon, française et italienne pour Lucie se rejoignent. En 2010, ils reçoivent le prix de la photographie HSBC, un livre est Ă©ditĂ© Ă  cette occasion chez Actes Sud Lucie & Simon Vertiges du quotidien. Leurs photos font trĂšs souvent rĂ©fĂ©rence Ă  la peinture.

Suspense, cinéma

Les deux artistes sont des metteurs en scĂšne d’histoires longues de 3 Ă  4 ans, le cadre : le Monde, les acteurs sont eux-mĂȘmes ou leurs proches, des images mystĂ©rieuses parfois comme leur maĂźtre Alfred Hitchcock, qui les inspire. Leurs photos sont des beautĂ©s froides, Ă©talĂ©es sous notre regard, inquiĂ©tantes, elles posent la question de la perception de la rĂ©alitĂ©, du futur. Cela pourrait ĂȘtre Les choses de la vie de Claude Sautet qui dĂ©filent une Ă  une avec une envie de reconnaissance rĂ©confortante qui s’empare de nous dans l’espoir d’effacer ce qui nous dĂ©range. Scenes of life.

Solarisations, OpĂ©ra national de Paris I, 2014-2019 Brodbeck & de Barbuat Photographie inĂ©dite de la sĂ©rie “Silent World” rĂ©alisĂ©e et sĂ©lectionnĂ©e spĂ©cialement pour DILECTA.

Pensionnaires de la Villa Médicis

En 2016/2017, ils sont pensionnaires de la Villa MĂ©dicis. Ils entreprennent une nouvelle sĂ©rie In search of Eternity inspirĂ©e du film de Wim Wenders Les Ailes du dĂ©sir, dans un Berlin encore divisĂ© par le Mur, deux anges, Peter Falk et Bruno Ganz, aimeraient vivre la rĂ©alitĂ© avec en “toile de fond” le poĂšme de Peter Handke. Lucie et Simon sont toujours en quĂȘte de l’invisible, aller au delĂ  de ce que l’oeil peut voir. Au cours de leur voyage en Equateur, ils ont rencontrĂ© la tribu des Achuar de la forĂȘt amazonienne qui croient Ă  la vie intĂ©rieure de n’importe quel Ă©lĂ©ment. Les deux photographes ont collectĂ© sur place toutes sortes de fragments, cailloux, cheveux, feuilles, nourriture, les ont placĂ©s sous verre et ont cherchĂ© les traces de leur esprit.

Lors de leur passage Ă  Rome, jour aprĂšs jour, ils prĂ©lĂšvent des “vestiges” herbes, fleurs, trouvĂ©es sur place, constituant peu Ă  peu un herbier prĂ©sentĂ© en parallĂšle du Silent World.

Memories of a Silent World -2008-2012 – 42 fleurs sĂ©chĂ©es

Vestiges poétiques

Voudraient-ils mettre le monde dans un classeur ? C’est cette impression qui semble sortir de leur objectif, un catalogue non exhaustif de rĂ©fĂ©rences visibles et invisibles Ă  la recherche de l’esprit des vestiges, du temps qui passe, des paysages, architectures… Leur vision poĂ©tique d’une civilisation.

Durant toute la réalisation du projet Silent world, nous avons prélevé des objets abandonnés errants dans les villes.
Ces Vestiges poĂ©tiques de notre Monde contemporain construisent une narration ayant pour but de garder une trace de ces univers inventĂ©s auxquels nous avons voulu donner vie en image. Des lieux n’ayant jamais existĂ©s autrement que dans notre esprit, mais dont nous souhaitions garder une trace, comme une archĂ©ologie imaginaire de notre monde et de notre temps.
” Simon Brodbeck & Lucie de Barbuat – Extrait de Memories of a silent world. (livre en prĂ©paration)

Haute définition

La haute dĂ©finition permet de voir trĂšs prĂ©cisĂ©ment les dĂ©tails, le trĂšs long temps de pose, de longues heures, Ă©limine tout mouvement, la prĂ©sence humaine disparait, effaçant toute trace de vie. Cette mĂ©thode fait rĂ©fĂ©rence au daguerrĂ©otype, en hommage au premier procĂ©dĂ© photographique de l’histoire, divulguĂ© par Louis Daguerre le 19 aoĂ»t 1839 lors d’une sĂ©ance officielle Ă  l’Institut de France. Premier procĂ©dĂ© photographique mis au point Ă  partir des recherches de NicĂ©phore NiĂ©pce, surnommĂ© le « daguerrĂ©otype Â», ce procĂ©dĂ© impliquait de longs temps de pose. LouĂ© pour sa fidĂ©litĂ© dans la reproduction du rĂ©el, le procĂ©dĂ© fut Ă©galement critiquĂ© par la lenteur des prises de vue, l’aspect statique des modĂšles et le miroitement de la plaque. Cette philosophie de la photographie inspire directement le travail de Simon Brodbeck et Lucie de Barbuat.

A cette image une autre prise d’une fraction de seconde est rajoutĂ©e oĂč cette fois-ci un personnage rencontrĂ© sur place est prĂ©sent.

Futur

De nombreux projets sont en cours dont : le Grand Paris, une exposition du Silent World au Mucem, : Civilization : The Way We Live Now, conçue sous l’Ă©gide de Todd Brandow (Foundation for the Exhibition of Photography, Minneapolis/Lausanne) et une autre de Bartomeu Mari au Museum of Modern and Contemporary Art, Seoul, Korea (MMCA) par les commissaires William A. Ewing et Holly Russel. L’exposition rassemble des photographies de Olivo Barbieri, Philippe Chancel, Taryn Simon, Thomas Struth, et d’autres.

Lucie et Simon sont Ă©galement nominĂ©s pour le prix Niepce, Gens d’images 2020, reportĂ© Ă  l’Automne.

TrĂšs engagĂ©s, ils participent activement Ă  la nouvelle fondation Photo 4 Food en tant que membres du conseil d’orientation.

Florence Briat Soulié

Bibliographie :

Vertiges du quotidien, Actes sud en 2010

La fabrique des rĂȘves, OpĂ©ra national de Paris en 2015:

Biographie :

https://www.brodbeckdebarbuat.com/about

Remerciements :

Aux artistes, Simon et Lucie qui m’ont prĂ©parĂ© ce minifilm

A Emmanuelle de L’Ecotais qui m’a permis cette rencontre

Cette prĂ©sentation est une collaboration avec le Cercle de collectionneurs SPIRIT NOW LONDON. FondĂ© en 2015 et dirigĂ© par Marie-Laure de Clermont-Tonnerre, Spirit Now London est une organisation philanthropique qui consacre tout ses revenus au financement d’institutions culturelles et au soutient de jeunes artistes. C’est un cercle privĂ© et international de bienfaiteurs, collectionneurs et amis, Ă  qui Spirit Now London offre l’opportunitĂ© de rencontrer des personnalitĂ©s exceptionnelles de l’art contemporain, du design, de la culture et de la science.

spiritnowlondon.com , #spiritnowlondon

Un commentaire

  • Claire Dubeau-Baeyens

    il serait intĂ©ressant de savoir si les semaines de confinement ont Ă©tĂ© une inspiration pour leur travail. “Silent World” en est un reflet prĂ©monitoire.

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