Frieze 2016, Londres au coeur de l’Art !
C’est dans le verdoyant Regent’s Park que commence mon marathon Londonien de l’Art. Suivez -moi pour une promenade au coeur de la semaine la plus artistique de l’année.
Elle nous emporte loin, très loin, de la morosité actuelle et nous offre le bonheur de vivre la création sous toutes ses formes. La 14 ème édition de la Frieze m’enchante, la quatrième de Frieze Master semble assez prudente mais révèle de belles pépites, la Foire d’Art Africain, créée il y a quatre ans, poursuit son bel envol…

FRIEZE ART FAIR
Première étape: Frieze Art Fair, et ses 160 galeries venues de 30 pays. La sélection, faite par Victoria Siddal (directrice de la foire), traduit le constant soucis de trouver le juste équilibre entre galeries confirmées de l’Art Contemporain et celles plus émergentes, qui apportent un nouveau regard. Ici, l’Art s’exprime par tous les mediums possibles, couvre les thèmes les plus éclectiques, les styles les plus variés: tellement de choses à découvrir!

Dès l’entrée dans la section principale, je m’arrête fascinée par “l’Atelier des Artistes”, si radicalement différent des autres stands. J’ai l’impression de pénétrer dans l’intimité d’un artiste; il est là, en train de travailler, au milieu des ses créations, dans un inspirant “fouillis” créatif . En fait, ce n’est pas un seul, mais 46 artistes, qui coexistent avec bonheur, dans une mise en scène très harmonieuse. Je m’amuse à essayer d’identifier quelques-uns d’entre eux : un très beau Picabia accroché en haut d’un mur, ici, une belle sculpture de Jean Arp, une autre d’Henry Moore, là, une oeuvre de Louise Bourgeois côtoyant des créations de McCarthy, etc…Difficile de quitter cet endroit!
Autre stand étonnant: celui de Hans Op de Beck. Je retrouve l’impression très particulière que j’avais éprouvée à Art Basel, devant son oeuvre “The Collector’s House”. Celui d’un monde qui s’est arrêté, subitement statufié et silencieux. Il y règne une paix et un calme surprenants en pleine foire, les visiteurs se mettent même à chuchoter en y entrant…

De la poésie à la Pace. On m’invite à découvrir, dans une pièce obscure, une video interactive du collectif teamLab. Bercées par une musique douce, des fleurs colorées évoluent, éclosent, perdent leurs pétales et renaissent inlassablement, en fonction du mouvement de la personne qui les regardent… une oeuvre hypnotique! Poésie encore, sur ce même stand, avec l’adorable cerf de Kohei Nawa recouvert de bulles de verre,qui semble tout droit sorti d’un conte de fées. Poésie toujours, chez Pilar Correas, qui combinent deux oeuvres: les “Speech bubbles” (ballons oranges), de Philippe Parenno ( exposé en ce moment même à la Tate Modern de Londres) avec la video de Shahzia Sikander (Singing Sun), où des soleils- s’illuminent puis explosent avant de se recréer… magique!


Et me voilà devant l’extraordinaire et immense (3m x2m) bateau pirate de Grayson Perry, qui nous invite à un voyage exotique et mystérieux. Je découvre son titre : “The Tumb of the unknown Craftsman” et me dis que vu sa taille, ce bateau pourrait en effet remplir cette fonction. La galeriste Victoria Miro présente également une tapisserie ainsi qu’un très beau vase de l’artiste.

galerie Victoria Miro, ©Thegazeofaparisienne
Côté dessins, Robert Longo expose, chez Thaddaeus Ropac, l’image d’un nageur. Une fois de plus, je me laisse prendre au piège de sa maitrise: la précision et la vie qui s’en dégage, font penser à une photographie. Je ressens presque les éclaboussures de l’eau. Plus loin, j’admire un autre dessinateur génial: William Kentridge et son magnifique pigeon-photographe au fusain .


©Thegazeofaparisienne
Distorsion de la réalité, avec la salle à manger de Samara Golden accrochée sur les parois du mur principal. Trois tables parées de nappes, couverts, assiettes et même de mets, semblent défier toutes les lois de gravitation! Réalité virtuelle et interactive, avec le stand Seventeen, où les spectateurs munis de lunettes casques entrent dans un monde fantasmagorique. Une longue queue pour accéder à l’animation…mais le spectacle du stand est déjà assez surprenant!!

Transdimentional Serpent
Seventeen
©Thegazeofaparisienne
Cette année, une section 90’s a été créée, hommage aux expositions phares de cette décennie, qui ont influencé significativement l’histoire de l’Art contemporain. Ainsi la Galerie Buchholz qui recrée la librairie où Wolgang Tillman fit sa première exposition de photos, en 1993 .
Il y avait aussi beaucoup d’humour dans cette foire… peut être parce que nous sommes en Angleterre!! Comment ne pas sourire devant l’immense table kitschissime, couverte de centaines d’objets rose bonbon: poupées, brosses à cheveux, savons, jouets, maquillages etc… Une oeuvre spectaculaire très fille-fille de Portia Munson, réveillant la barbie-girl qui sommeille en nous!

Et que faire en croisant le regard captivant de ces personnages, ou en admirant le corps d’une Aphrodite nue couverte des marques de son maillot? C’est bien sûr l’oeuvre de Hans Peter Feldmann, qui achètent de tableaux anciens de belle facture dans des brocantes ou salles de vente, et s’amuse à les “décaler” d’un détail incongru. Le galeriste Simon Lee lui a consacré un solo show et… j’avoue en rire encore en revoyant ses tableaux.

FRIEZE MASTER
Sur ces notes souriantes, je quitte la London Frieze pour me rendre à Frieze Master, retraçant plusieurs milliers d’années d’histoire de l’Art depuis l’Egypte ancienne jusqu’au XX ème siècle. Cette année la part belle a été faite aux pièces antiques. Un arrêt chez Ariadne Galleries NY pour découvrir des statues de bois et un masque de momie de l’Egypte ancienne, chez Bernard Dulon pour des sculptures primitives d’Océanie et d’Afrique, chez David Ghezelbash pour admirer des sculptures Greco-Romaines ou encore à la Kallos Gallery, nouvellement arrivée, pour découvrir un casque Crétois de bronze du 7ème siècle avant JC, pièce rarissime (3 Millions de £).

Chez Luc Baroni, je suis séduite par le portrait d’un beau jeune homme: il s’agit d’Eugène Delacroix peint par Géricault, qui lui vouait une vive admiration . Deux magnifiques peintres réunis ainsi autour d’une oeuvre valait bien que l’on s’y arrête!

collection du Duc de Trévise – Galerie Jean Luc Baroni
©Thegazeofaparisienne
Sautant plusieurs décennies d’histoire de l’Art, je m’intéresse à un artiste en solo show à la galerie Wendy Norris. Wolfgang Paalen, est autrichien, né au début du XX ème siècle. Ce que j’aime dans son oeuvre est ce mélange entre une abstraction moderne et quelque chose de puissant, presque tribal. La galeriste m’explique que ses débuts artistiques se font auprès des surréalistes (André Breton, etc..). Par la suite et du fait de la guerre en Europe, il s’installe au Mexique, où il côtoie Frida Khalo et Diego Rivera. C’est là qu’il développe ce style particulier à l’influence Totémique.

Autre solo show intéressant, celui qu’Almine Rech consacre au sculpteur Cubain Augustin Cardenas, où l’on retrouve le geste, la forme et le mouvement des grands sculpteurs modernes de son époque (Jean Arp, Brancusi etc..).

Je passe encore une fois devant le stand Nagy, pour admirer les éternels dessins de Egon Schiele, déjà vus au même endroit à Art Basel. Je visite, ensuite, celui de la galerie Applicat-Prazan avec de belles oeuvres modernes, dont une toile d’Otto Freundlich, dont j’admire les couleurs et la construction graphique. Puis la galerie Marianne Boesky avec son solo show de la série Scramble de Franck Stella.

©Thegazeofaparisienne
Et mon grand coup de coeur pour la fin: la galerie Dickinson présente un sublime Magritte “l Empire des Lumières”, le premier de sa série iconique, une des plus célébrées du peintre. Une lumière entre chien et loup, mystérieuse et douce, comme un moment suspendu …j’ai du mal à m’arracher à cette contemplation.
Lui même dira “cette évocation de la nuit et du jour me parait avoir le pouvoir de nous surprendre et nous réjouir. ce pouvoir a un nom: la Poésie” René Magritte.

©Thegazeofaparisienne
De la poésie chez Dickinson, mais aussi de l’excentricité avec quelques Dali, dont le spectaculaire “Oeil fleuri”, de la grâce avec un tirage des “hands, hands, hands” de Horst p.Horst, et de la danse avec un beau Fracisco Picabia .

Bernheimer F.Art, ©Thegazeofaparisienne

Plusieurs milliers d’années d’histoire de l’Art parcourues en quelques heures… c’est la magie de Frieze Master !
Contemporary African Art Fair
Avec beaucoup de curiosité, je me dirige vers la Contemporary African Art Fair. cette foire a été crée il y a quatre ans et suit une très belle évolution depuis, grâce au talent de Touria El Glaoui, sa directrice. Dès l’arrivée à la Somerset House, je suis accueillie par une étrange armée de personnages masqués. Zak Ové, artiste de Trinidad, évoque le traditionnel “ball of Blackness” où la haute société Anglaise célébrait la beauté noire, chaque année, en se grimant et se déguisant.

Dans l’enceinte de la Somerset House, une quarantaine de galeries sont rassemblées. Là encore je découvre la grandes variétés de propositions, l’éclectisme est une réalité et fait la richesse de cette foire. Au fil de la visite, je rencontre des oeuvres qui me touchent.
Les Trois Poupées d’Ernest Duku: une illustration de la cohabitions de l’Inné et l’Acquis en chacun de nous. Chaque bambin porte un signe: la croix évoquant la chrétienté, le croissant, la religion musulmane, et le troisième “l’amulettisme”, pour l’artiste c’est la spiritualité au fond de nous. Chacun porte son monde et devient le résultat de cette spiritualité innée et de ce qu’on lui a transmis. Une forme attachante et accessible pour un sujet bien complexe!

Les Cyanotypes de Delio Jasse: les magnifiques cyanotypes, “Terreno Occupado”, crées par le jeune photographe Angolais, illustrent des scènes de rue à Luanda, sa ville natale, que Jasse retrouve après 10 ans d’absence.

Plus loin, je suis séduite par des aquarelles sur papier de Franck Lundangi à la Galerie Anne de Villepoix … une chanson de couleurs pleine de poésie. Ses peintures sont également remarquable, alliant un style un peu naïf à un travail de matière tout en finesse. Passant du figuratif à une composition tout à fait abstraite, j’admire l’ oeuvre toute en tissus du Malien Abdoulaye Konate.

Devante “les Nocturiens” de Houston Maludi chez Alain Magnin, on ne peut qu’être impressionné par la précision et la multitude des détails qui composent cette création. Un travail étonnant et magnifique. La Tyburn Gallery, elle, présente les oeuvres de Mohau Modisakeng. Ses photos sur le thème de “Ashes to ashes” montre des personnages en train de se métamorphoser en poussière… le grain exceptionnel et le travail de la lumière donnent des photos saisissantes.

Tyburn Gallery
La Contemporary African Art Fair est aussi l’occasion de revoir les magiques “Noir et Blanc” de Malick Sidibé au travers de 45 tirages des années 60-70… un vrai bonheur! (jusqu’au 15 Janvier 2017).
Je termine ma promenade au coeur d’un Londres vibrant au rythme de l’Art, foisonnant, riche, parfois surprenant, toujours passionnant.
Caroline d’Esneval

