Johannes Vermeer au musée du Louvre…
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Par Charlotte Le Grix de la Salle

Jeune femme assise au virginal, Londres, The National
Gallery
La lumière a-t-elle une morale ? Ou plutôt une vertu, comme le silence, une manière d’envelopper les êtres et les choses pour en révéler le mystère, voire le divin ?
De Vermeer, on connaît et reconnaît les clairs obscurs, l’éclat d’une perle, le visage penché d’une femme, une fenêtre d’où provient toujours cette clarté évanescente. Dépouillement du décor, tranquillité de la vie quotidienne, intimité feutrée, éclat de deux ou trois détails. Vermeer est ce génie, le plus grand des maîtres hollandais, le “Sphinx de Delft” où de sa naissance à sa mort, il n’aura produit qu’une quarantaine de toiles. Alors, lorsque l’on apprend que sur les 36 oeuvres existantes au monde, 12 sont réunies au Louvre, on s’attend à 12 chefs d’oeuvres fabuleusement mis en scène, La Laitière, exceptionnellement prêtée pour trois mois seulement par le Rijksmuseum d’Amsterdam trônant au milieu telle une Joconde. C’était sans compter la démarche risquée et malicieuse des commissaires d’exposition qui auront travaillé 6 années pour volontairement noyer les Vermeer au milieu de dizaines de Gérard Dou, Gerard ter Borch, Jan Steen, Pieter de Hooch, Gabriel Metsu, Caspar Netscher ou encore Frans van Mieris.

Peintures
Johannes Vermeer, Le Géographe, Francfort, Städelsches Kunstinstitut
Qui sont-ils ? Des contemporains de Vermeer, devenus à la fin du XVIIème Siècle les spécialistes grassement rémunérés de la “scène de genre” précieuse, représentation idéalisée de la vie intime des puissants. Nous voilà chez eux, assistant à la toilette de la femme, à l’écriture d’une lettre d’amour, au repas des perroquets ou à la visite du médecin. Etonnante similitude de l’instant choisi, du cadre, de la posture des personnages et des détails, on croirait presque au plagiat.

C’est oublier que ces artistes se connaissaient, correspondaient, étaient en concurrence, peignaient sur commande. Vermeer faisait partie de ce réseau, était l’un d’entre eux.
L’un d’entre eux ?

©ThegazeofaParisiene
Devant chacun de ces alignements de scènes si semblables et raffinées, le choc est le même. Le Vermeer se détache, attrape votre regard pour ne plus le laisser partir. La petite taille de la toile qui vous emmène dans la niche de l’intimité est la même, le raffinement du trait est identique, l’attitude tout aussi élégante. Mais il y a cette dramaturgie, ce mystère. C’est d’abord le pli d’un rideau, un voilage, l’ourlet d’une manche. Ce blanc qui chez lui prend un éclat particulier. Ces détails magnifiques parce qu’il a éliminé tous les autres. Et dans ce dépouillement, les tonalités choisies. Le précieux, le satiné, le brillant qui disparaissent au profit du mat, du sourd, du feutré. L’or et le pourpre délaissés pour les bleus-gris et les ocres. Le flou sur les peaux pour baigner les corps de douceur. Le sombre, l’estompe, la suggestion et alors une mappemonde, une main tenant une balance, un col d’hermine deviennent des diamants purs.
Et puis le léger mouvement de la main, le regard surpris ou bien un dos un tout petit peu plus penché : Il a capté un instant, il va se passer quelque-chose.
Cette métamorphose est-elle, comme beaucoup de connaisseurs le suggèrent, un appel au recueillement, chemin vers la spiritualité ? On peut tout simplement commencer par y voir le sublime.
Charlotte Le Grix de la Salle

©ThegazeofaParisiene
Vermeer et les maîtres de la peinture de genre
du 22 Février 2017 au 22 Mai 2017
Catalogue de l’exposition
Vermeer et les maîtres de la peinture de genre
Sous la direction de Adriaan E. Waiboer, Blaise Ducos et Arthur K. Wheelock Jr.
Coédition musée du Louvre éditions / Somogy éditions d’art.

Ed Somogy


2 commentaires
micheline bochet le milon
Un texte auquel on prête l’oreille et qui ouvre l’oeil .Bravo et merci
stéphaniehuguenot
Quelle chance d’avoir pu prendre des photos de l’expo !