Art Basel enfin!
Quelle joie de revenir à Art Basel ! Un soleil éclatant nous accueille sur le parvis de la plus grande foire d’art contemporain du monde. Sa lumière se reflète sur l’enveloppe de grande bulles “habitées”, conçues par la performeuse britannique Monster Chetwynd. Le ton est donné, il s’agit de sortir de son cocon, retrouver la liberté, la couleur, la lumière, les autres et … l’Art!

Cette première édition post-confinement est sensiblement plus calme que les précédentes. Les collectionneurs américains et asiatiques brillent par leur absence , les galeries, quant à elles, sont venues en nombre (272 exposants vs 290 en 2019). Dans une ambiance presque feutrée, je m’élance vers la partie la plus spectaculaire de la foire : Unlimited .

Unlimited 2021, une édition éblouissante

Dès l’entrée, l’immense fresque en céramique, Le Soleil Toujours (2020), d’Etel Adnan me captive. La palette de couleurs de l’artiste libano-américaine, est gaie et tendre comme un bonbon acidulé. Juste derrière, une gigantesque et lumineuse oeuvre de David Hockney, Pictures at an exhibition (2018/20), offre une vivante image de spectateurs bougeant, discutant, s’agitant ou en totale contemplation devant des tableaux . Cette création réunie des techniques de photographie 3D et de modélisation digitale qui passionnent ce génial artiste .

Vibrante, la longue barrière de lumière rose de Dan Flavin sculpte l’espace. Une très belle et séduisante oeuvre architecturale. À quelques mètres de là, comme dans un conte fée, la célèbre Maison de Pain / Untitled (Bread House) d‘Urs Fisher me fait sourire. Elle est littéralement ..à croquer!!.

Continuant mon parcours, je tombe en arrêt devant le mur des cinq Dark Windows de Sean Scully. Là s’affrontent les grande lignes horizontales souples , ses “Landlines”– représentant la beauté romantique de la nature- et l’austérité du carré noir (la destruction, par l’homme, de son environnement) qui pèse sur cette douce harmonie. Hypnotique. Sur le même thème de l’écologie, mais beaucoup plus pessimiste, l’artiste Tadashi Kawamata présente Destruction; l’installation couvre les quatre murs de la salle.

Toujours sur le même thème de la nature et la protection de notre environnement, j’ai beaucoup aimé la finesse et la subtilité de l’artiste Jitish Kallat . Son Palindrome est constitué d’éléments évoquant la botanique, les océans, la géologie etc… avec une esthétique infiniment poétique.

Mon grand coup de coeur va à une oeuvre video de Ryoji Ikeda, le 3ème et dernier volet de sa série data-verse. Dans cette trilogie, commissionnée par Audemars Piguet contemporary, l’artiste transforme une énorme quantité de données scientifiques en une illustration personnelle magistrale des multiples dimensions de notre monde. De l’infiniment petit à l’humain, de l’humain à l’infiniment grand. Pour ce troisième volet, nous sommes immergés dans un voyage fascinant à travers les nombreuses mutations de notre planète dans l’espace. Cette oeuvre exerce un pouvoir hypnotique par le jeu de rythmes, de sons – Ikeda est au départ musicien et DJ-et l’incroyable force des images.
Au coeur de la foire, Art Basel en quelques oeuvres.
Pour commencer, une galerie de portraits. En touches avec Elizabeth Peyton, malicieux avec Martial Raysse, contrasté avec Alex Katz. J’aime aussi la force d’un Myriam Cahn au ciel bleu et dont le visage d’enfant me touche particulièrement , ainsi que la rigueur intimidante de The Idiot after Dostoyevsky par Not Vital.

Bleu, comme… l’incomparable lumière de James Turrell qui transforme la perception de l’espace, comme la couleur si vibrante du magnifique tableau de A.R Penck, l’incroyable profondeur de la mer de Miquel Barcelò et les poissons gracieux de Barthélémy Toguo.


Tissages de fils avec la merveilleuse Sheila Hicks, très visible dans cette édition 2021, tressage d’anciens fils électriques dans les grandes oeuvres d’Elias Sime (James Cohan), et une très belle tapisserie de Laure Prouvost chez Nathalie Obadia.

Côté sculptures, j’admire la sensualité organique de Hedge créée par Tony Cragg faisant face à la radieuse Rose of the Louvre de Jean-Michel Othoniel . Plus loin, l’élégante tour de téléphone en forme d’ADN, créée par Alicja Kwade ,touche par sa grâce et la superbe finition proche du vert de gris. J’ai aussi adoré la délicatesse des chaines d’argent décorées de feuilles et bijoux sculptés, de Kapwani Kiwanga ( prix Marcel Duchamp 2020) chez Jérôme Poggi.


Et de belles découvertes.. Une superbe oeuvre abstraite d’ Eamon Oré-Giron à la galerie James Cohan, issue du métissage d’inspirations Inca, brésilienne ou encore futuriste. J’en aime la rythmique, la structure très étudiée et la composition des couleurs. Très intéressante également, une peinture de Justin Caguiat aux harmonies très “Klimtiennes”.

Je quitte la foire avec une énergie et un enthousiasme débordants, que seul l’art de qualité procure. A l’année prochaine pour l’édition 2022.
Caroline d’Esneval

