James Turrell , le sculpteur de la lumière

Les oeuvres de James Turrell (né en 1943), célébrées dans le monde entier, nous immergent dans une prodigieuse exploration de la lumière. Hypnotiques, elles invitent à une contemplation méditative. On s’y attarde , assis sur un banc ou en se promenant au coeur des plus monumentales, en silence, comme dans un lieu sacré. Pionnier du mouvement artistique Light and Space des années 60s, Turrell est un architecte de la lumière . Avec elle, il métamorphose les espaces , bouleverse les perceptions, nous emmène dans un ailleurs spirituel, magique.

James Turrell, , ©2022 Skystone foundation ©James Turrell , photo Florian Holzherr

La Pace lui dédie une exposition dans son espace genevois, avec une pièce majeur, Elemental

« Dans mon travail avec la lumière, ce qui est vraiment important pour moi, c’est de créer l’expérience d’une pensée sans mots, de rendre la qualité et la sensation de la lumière elle-même tout à fait tactile. La lumière est par essence apparemment intangible, mais elle se ressent physiquement. Souvent, les gens tendent la main et essaient de la toucher . » James Turrell

Je me suis rendue à la Pace Gallery, impatiente de découvrir cette exposition de Turrell. Dès l’entrée j’ai été saisie par la monumentale installation lumineuse « Elemental », créée en 2021. Les couleurs pulsées de chaque séquence évoluent et changent « suivant un rythme inspiré par la respiration humaine », commente Adeline Drechou, Associate Director de la Galerie. Il y a quelque chose d’incroyablement immersif dans cette oeuvre. Les rayons colorés du grand « tableau lumineux » positionné en creux dans le mur, se diffusent à travers tout l’espace et en nous, dans une expérience sensorielle unique.

Avec cette oeuvre sublime , l’artiste illustre sa pratique d’un « art perceptuel« , consacré à explorer la « matérialité » de la lumière. Il souligne la contradiction intrinsèque de celle-ci : immatérielle par nature, mais dotée d’une présence physique manifeste dans notre ressenti.

Une autre oeuvre ovale, à la taille plus réduite , mais tout aussi captivante se trouve dans le bureau de la galerie. Ses évolutions en dégradés monochromes ont une grâce infinie.

La galerie présente également une série de trois prints, tirée des prises de vue de l’exposition Aten Reign au Guggenheim de NY.

Devant une oeuvre ovale aux couleurs changeantes de James Turrell… si seulement c’était mon bureau! , Pace Gallery de Genève

La passion du ciel

Le travail artistique de James Turrell se nourrit de sciences (mathématique, géologie , astronomie) et de psychologie perceptuelle, disciplines qu’il a étudiées à l’université de Californie. Mais c’est surtout sa passion pour le ciel qui imprègne fortement ses créations. Aviateur – il obtient son brevet de pilote à l’âge de 16 ans-, Turrell a travaillé dans sa jeunesse à la réalisation de cartographies aériennes. La lumière pure du ciel , ses paysages multiples et l’espace infini qu’il offre, le fascinent. Dans sa pratique artistique, le ciel deviendra, peu à peu, son sujet de prédilection et son atelier.

A l’intérieur du Skyspace de James Turrell, Venet Foundation,
photo: ©thegazeofaparisienne

À la fin des années 60s, il participe au mouvement Light and Space , dont fait notamment partie l’artiste Robert Irwin. Depuis ses premières Projections Pièces (1966-69), son exploration s’élargit et donne naissance à différentes séries . Parmi les plus emblématiques, celle des Skyspaces (1974-) qui présentent des espaces clos , ouverts sur le ciel par une percée dans le toit. J’ai eu la chance d’en découvrir deux magnifiques à la Venet Foundation, au Muy. Notamment Elliptic Ecliptic, une structure architecturale, dans laquelle je fus invitée à m’asseoir pour admirer, à travers une ouverture ovale dans le toit, la beauté du ciel mise en lumière par l’artiste. C’est une succession de tableaux bleus abstraits, variant en intensité au fil de la journée, qui apparaissaient par l’espace ouvert…magique! Tout comme la série des Ganzfelds (1976-) , et bien sûr , son projet iconique le Roden Crater (1977-)

Radon Crater, le projet d’une vie

Le Roden Crater est un projet artistique extra-ordinaire autant par son sujet inédit que par sa taille, d’une monumentalité jamais atteinte. Il est l’aboutissement, sous forme d’apothéose, des recherches menées par James Turrell durant toute sa vie sur la perception visuelle, la psychologie humaine et le travail de la lumière.

James Turrell, Roden Crater , Arizona, ©2022 Skystone Foundation, ©James Turrell,
Photo: Florian Holzherr

« Je crée des choses qui vous emmènent dans le ciel. Mais il ne s’agit pas des formes terrestres. Je m’efforce de faire entrer des objets célestes comme le soleil et la lune dans les espaces que nous habitons » James Turrell

Dans les années 70s, durant ces heures de vol que Turrell affectionne tant, germe en lui l’envie de créer un observatoire céleste au coeur d’un immense volcan. En 1974, alors qu’il survole l’ouest des États-Unis, il trouve le site idéal pour réaliser son projet titanesque : le Roden Crater , ancien volcan éteint situé dans le Painted Desert en Arizona. Il en fait l’acquisition trois ans plus tard, et se consacre dès lors à le transformer en un immense temple de lumière. Un lieu comprenant des tunnels et des ouvertures sur la ciel, qui capture la luminosité du soleil durant le jour , celle de la lune, des étoiles, des planètes pendant la nuit.

James Turrell, Roden Crater , Arizona, ©2022 Skystone Foundation, ©James Turrell,
Photo: Florian Holzherr

Initiés il y a 45 ans, le projet n’est pas encore achevé et le site grandiose reste fermé au public. Le Roden Crater, une fois terminé offrira aux visiteurs 24 espaces d’observation et 6 tunnels où se promener. Je rêve du jour où je pourrai le découvrir !

James Turrell est un artistique exceptionnel. Par ses réflexions autour de nos perceptions et son travail novateur sur la lumière, il a ouvert la voie à une nouveau champ d’expression artistique. Ses œuvres nous transportent loin, très loin de notre réalité, dans un univers fascinant et onirique. Avec son Roden Crater, il va au bout de ses rêves, et nous emmène avec lui .

J’ai toujours voulu créer une lumière semblable à celle que nous voyons dans nos rêves, reproduire la façon dont la lumière filtre à travers nos songes, colore l’atmosphère ou révèle l’aura d’une personne.” James Turrell

Caroline d’Esneval

+d’info

James Turrell

James Turrell , Elemental, Pace Gallery Genève, à voir absolument jusqu’au 7 mai 2022.

Un commentaire

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