Claude Monet / Joan Mitchell
à la Fondation Louis Vuitton

Exposition évènement, on attendait ces deux là, exposés côte à côte dans cette immense bâtiment de Frank Gehry abritant la Fondation Louis Vuitton. Des toiles qui occupent tous les étages et salles, une exposition géante comme les deux célèbres peintres Claude Monet (1840-1926) et Joan Mitchell (1925-1992).
Sensations & Fellings

Monet associé à Mitchell, c’est une évidence devant toutes ces toiles, diptyques, triptyques de l’un ou de l’autre célébrant la nature. Deux artistes qui avaient les mêmes préoccupations, retranscrire leurs sensations ressenties en observant la nature qui les entoure. Leurs vies se sont suivies, le premier quittait cette terre lorsque la seconde naissait, comme si cet enchainement avait été prévu, offrant ainsi une continuité et aujourd’hui ce dialogue entre ces deux artistes.
Autre coïncidence, Joan Mitchell est née à Chicago, première ville américaine à faire l’acquisition d’une oeuvre de Claude Monet.
« Je sais seulement que je fais ce que je peux pour rendre ce que j’éprouve devant la nature et que le plus souvent, pour arriver à rendre ce que je ressens, j’en oublie totalement les règles les plus élémentaires de la peinture, s’il en existe toutefois. Bref, je laisse apparaître bien des fautes pour fixer mes sensations ».
Claude Monet, lettre du 7 juin 1912 adressée à Gustave Geffroy depuis Giverny. Catalogue raisonné Wildenstein, tome IV, lettre no 2015, p. 385).

Des oeuvres exceptionnelles sont présentées dans cette exposition, 35 par artiste, sans leurs cadres augmentant ainsi l’effet d’occupation de l’espace voulu par les deux artistes, un geste recherché et accentué encore par l’utilisation de polyptyques, leur marque de fabrique à tous les deux. On peut voir le triptyque de L’Agapanthe, dix années de travail (env. 1915-1926), les « décorations » de Claude Monet qui appartiennent à trois musées américains (Cleveland Museum of Art, Saint Louis Art Museum et le Nelson-Atkins Museum of Art à Kansas City), à Paris nous avons d’autres « grandes décorations », les Nymphéas exposés au musée de l’Orangerie. Face à ces chefs-d’oeuvre, la série de dix toiles de La Grande Vallée (1983-84) de Joan Mitchell est un feu d’artifice de couleurs, une explosion de jaunes jaillissant des bleus, des verts. Ces toiles sont toutes démesurées, immenses , toujours pour montrer l’étendue, l’horizon qui n’apparait pas sur des petites toiles.

Joan Mitchell qui s’imposait déjà en 1951, elle est une des cinq femmes artistes représentées dans l’exposition Ninth Street Exhibition of Paintings and Sculptures (Ninth Street Show), de Léo Castelli parmi 72 artistes.

Sa mère était la poète Marion Strobel , la poésie sera toujours aux côtés de l’artiste et lui inspirera de nombreuses œuvres .
Monet était lui aussi proche des écrivains Zola , Mallarmé, Maupassant, Valéry ce sont parmi les premiers à avoir aimé et parlé de son œuvre tardive comme les « Iris » des années 20.
En 1955, elle effectue son premier voyage à Paris et enchainera ensuite des allers-retours entre New York et Paris jusqu’en 1959, date de son installation à Paris, rue de Frémicourt avec le peintre Jean-Paul Riopelle, rencontré en 1955.
Au premier abord toutes ces traces laissées par le pinceau, si reconnaissables, sembleraient aléatoires, mais non, tout est étudié, le geste retranscrit le plus fidèlement de mémoire, son regard sur la nature, ses « Feelings » sur un paysage aimé.
Elle peint dans son atelier Mud Time, 1960 titre tiré d’un poème « two tramps in Mud Time», le passage de l’hiver au printemps.
En 1967, acquisition de la Tour à Vétheuil , Monet avait une maison dans ce même village du Vexin français où il vécut de 1878 à 1881, elle y terminera ses jours, un lieu qui réalise tous ses désirs de nature, à l’instar de Giverny pour Monet.
Une maison entourée de tournesols géants qu’elle aperçoit de sa fenêtre. C’est là qu’elle peint No Birds (1987-1988) en hommage à Van Gogh qu’elle admire tant et que nous pouvons voir dans la première partie de l’exposition, la rétrospective qui lui est consacrée et où sont montrées dix toiles de la collection de la Fondation Louis Vuitton.
« Ils ont l’air si merveilleux quand ils sont jeunes, et ils sont si émouvants quand ils meurent. Je n’aime pas les champs de tournesols. Je les aime seuls, ou, bien sûr, peints par Van Gogh »
Joan Mitchell

Son regard sur la nature, Joan Mitchell peint de mémoire ces paysages qu’elle voit de chez elle à Vétheuil et qu’elle adore .
« Je peins à partir de paysages mémorisés que j’emporte avec moi – et de sensations mémorisées…»
Joan Mitchell
Idem pour Claude Monet, il ne faut pas oublier qu’à la fin de sa vie, il a la cataracte (du latin cataracta, qui signifie chute d’eau) c’est comme si devant ses yeux un voile d’eau était posé , et c’est vraiment sa perception intime qu’il retranscrit sur ses toiles qui nous émeuvent tant.
C’est très intéressant de lire les mots de Philippe Piguet, historien et critique d’art, descendant d’Alice Hoschedé, deuxième épouse de Monet, (mon ancien prof à l’ICART !) qui vit dans le souvenir du grand homme et qui a connu la réalité de ses visites régulières à Joan Mitchell dans les années 70. Il donne son témoignage sur ce dialogue possible entre deux artistes chacun avec une personnalité si accomplie.

« Combien de fois sommes-nous montés, Joan et moi, le soir après dîner, à l’atelier, traversant la nuit en d’interminables conversations ? » Puis il poursuit : « Ce qui m’a très vite fasciné dans ma relation avec Joan, c’est que j’étais là avec une artiste très importante, qui me faisait vivre quelque chose que ma famille avait vécu, tout comme ce que j’avais appris de Monet au quotidien dans les lettres d’Alice. » À la question « Parliez-vous de Monet ? » il répond simplement : « Monet n’était ni un tabou, ni un sujet de conversation récurrent ; elle évoquait plus souvent Van Gogh ». Et de conclure : « Lorsque Joan s’installe à Vétheuil, elle a atteint sa période de maturité, c’est une artiste accomplie qui développe une œuvre qui lui est propre.
Philippe Piguet, historien et critique d’art (texte tiré du catalogue « Monet – Mitchell »)
Prévoir le temps de regarder cette grande exposition afin de profiter de toutes ces toiles, cette exposition a été conçue en collaboration avec le Musée Marmottan Monet.
Florence Briat Soulié

INFORMATIONS :
MONET – MITCHELL
Du 5 octobre 2022 au 27 février 2023
Commissariat général : Suzanne Pagé, Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, Paris
Adresse : 8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, 75116 Paris.
Métro : ligne 1, station Les Sablons, sortie Fondation Louis Vuitton.
Navette de la Fondation : départ toutes les 20 minutes de la place Charles-de-Gaulle – Etoile, 44 avenue de Friedland 75008 Paris (Service réservé aux personnes munies d’un billet Fondation et d’un titre de transport – billet aller-retour de 2€ en vente sur http://www.fondationlouisvuitton.fr ou à bord)

