Balzac et les apprentis photographes
PAR MARIE SIMON MALET
Balzac face à la photographie, à la Maison de Balzac
« Je reviens de chez le daguerréotypeur, et je suis ébaubi de la précision avec laquelle agit la lumière »
écrivait Honoré à Madame Hanska en 1842.

Novembre est à Paris le mois de la photographie et le petit musée de La Maison de Balzac devance l’ouverture du salon Paris-Photo avec l’exposition Balzac face à la photographie. Prenant au mot ce génie de la littérature : « Ce qui est admirable, (-dans le Daguerréotype-) c’est la vérité, la précision ! », l’exposition confronte de jeunes étudiants en photographie à la Comédie humaine, cherchant à mettre en lumière l’universalité de l’œuvre de Balzac et la modernité de l’œil de son auteur.
L’initiative est suffisamment rare pour être soulignée, même si des tentatives similaires (avec l’École supérieure des Arts appliqués et des Métiers d’art puis avec l’Université nationale des Arts de Taiwan et des étudiants ukrainiens), avaient déjà été menées sous la houlette d’Yves Gagneux, directeur de la Maison de Balzac.
Yves Gagneux s’est donné une mission : conduire le visiteur à lire ou à relire les romans de Balzac. Cette exposition conçue à l’initiative de Florence Briat Soulié, fondatrice du Cercle des amis de la Maison de Balzac, offre une occasion unique de présenter l’aboutissement du travail d’une année mené par des élèves de l’École et lycée des Métiers d’Arts et du Design Auguste Renoir, à Paris. Épaulés par leur professeur, Aurore Le Maître, ces étudiants en première année de BTS ont conçu, pour la plupart en duo, une image en résonance avec l’écriture de Balzac; certains s’emparant du Traité des excitants modernes, d’autres d’Eugénie Grandet, du Lys dans la Vallée, de Séraphita ou des Illusions Perdues….

Comment la génération X a-t-elle appréhendé la lecture de ces romans?
De quelle manière s’est-elle s’imprégnée des phrases, des mots, des citations dans sa pratique photographique pour livrer au visiteur son imaginaire ? Françoise Paviot, historienne, enseignante, créatrice avec Alain Paviot de la galerie de la rue Sainte-Anne a assuré avec Yves Gagneux le commissariat de cette exposition généreuse. Elle a puisé dans le fonds photographique de la Maison de Balzac des images qui accompagnent le propos et offre un aperçu de sa grande variété.

Elle rappelle qu’il est en grande partie documentaire et constitué d’images réalisées pour la plupart après la mort de l’auteur : de rares portraits de proches, des vues de lieux habités par Balzac, des captations de mises en scène de théâtres ou des prises de vue lors des tournages de films inspirés de ses grands romans. Son ambition est de montrer le passage de l’image littéraire à l’image photographique. Le photographe René-Jacques (né René Giton, 1908-2003) dans une conférence expliquait ce que doit être une photographie face à une oeuvre littéraire :
« Il ne faut pas trahir l’auteur, ne pas lui faire une cage même dorée, dans laquelle imagination du lecteur resterait contrainte et captive »
René Jacques

Ces images sont inspirées et inspirantes.
Balzac avait pressenti la révolution qu’engendrerait l’invention du daguerréotype par Louis Daguerre et fut un pionnier en posant devant l’objectif de Louis-Auguste Bisson en 1842. En chemise, la main sur la poitrine, il composait son propre personnage, en un portrait devenu archétypique, d’ailleurs, unique photographie de l’écrivain, puisqu’il est mort en 1850; Balzac n’aura pas connu la formidable explosion du portrait photographique sous le Second Empire.
Balzac, formidable source d’inspiration pour les artistes, en se promenant à Paris Photo, le clou de l’édition 2022 est bien son portrait par Edward Steichen d’après le plâtre de Rodin, un platinotype de 1908, une oeuvre unique à 960000 euros. Cette photographie appartenait à Claude Berri et avait été vendue aux enchères le 19 novembre 2005 par Christies et adjugée 156000 euros.
Extrait du catalogue de la maison de ventes ChristiesAuguste Rodin suggéra à Steichen de photographier son plâtre de Balzac au clair de lune afin d’obtenir un meilleur effet que celui procuré par la lumière du jour qui soulignait trop à son goût l’apparence froide et crayeuse du plâtre. (…)
Rodin fut tellement content des résultats obtenus que non seulement il paya Steichen 2.000 francs, une somme très généreuse pour l’époque, mais qu’il lui donna également une statuette en bronze et commença à l’appeler ‘mon fils’. A l’automne 1908, Steichen parle de cette oeuvre à Alfred Stieglitz dans les termes suivants: ‘Parmi les photographies que j’ai réalisées récemment, celles-ci sont les seules dont je suis épris. Ceux qui les ont vues ici, étaient émerveillés…. J’espère que vous pourriez consacrer pour ces photographies une exposition solo ne serait-ce que pour une semaine…Les trois grands tirages sont une série et devraient donc être exposés sur le même mur‘ (Longwell, Steichen: The Master Prints, The Museum of Modern Art, 1978, p.154). Dès qu’il vit ces photographies, Stieglitz en acheta une série. Selon Steichen, il était ‘plus impressionné que pour n’importe quelle autre oeuvre que je lui avais montré jusqu’alors‘ (Steichen, A Life in Photography, Doubleday and Co., 1963, n.p.). Durant la Première Guerre mondiale, Steichen quitta sa maison de Voulangis. L’humidité et les bactéries détruisirent les négatifs de ces images, à l’exception de quelques tirages de 1908 qui ont survécu, dont le présent lot. La plupart d’entre eux sont aujourd’hui conservés dans des musées
La Maison de Balzac est un lieu hors du temps, d’une poésie rare qui vous saisit dès les premiers pas dans le jardin, cette exposition est troublante tant les résonances contemporaines de La Comédie Humaine sont riches et fécondes dans le travail très abouti que présentent ces photographes en devenir.

Balzac face à la photographie
MAISON DE BALZAC
jusqu’au 15 janvier 2023
47, rue Raynouard (entrée par le 49) 75016 Paris Heures d’ouverture : du mardi au dimanche de10hà18h(dernièreentrée:17h30).
Fermé les lundis et certains jours fériés
En collaboration avec l’École et Lycée
des Métiers d’Arts et du Design Auguste Renoir (Paris 18)
Avec le soutien du Cercle des amis
de la Maison de Balzac.
Commissaires : Françoise Paviot, historienne et enseignante et Yves Gagneux, directeur
de la Maison de Balzac
Production : Florence Briat Soulié
INFORMATIONS PRATIQUES
Entrée gratuite
Métro : Passy (ligne 6) – La Muette (ligne 9) RER C : stations Boulainvilliers ou Radio France Bus : n°32, 50, 70, 72
Vélib’ : rue du Ranelagh et rue de Passy


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