Zoom Paris Photo 2022

Paris Photo au Grand Palais éphémère, quatre jours durant lesquels, lors de cette foire unique de la photographie, aucun équivalent ailleurs, chacun de nous a pu poursuivre la belle image. Un rendez-vous que j’apprécie particulièrement qui est attendu par tous les amateurs, collectionneurs, photographes…

Paris Photo
Vue de l’entrée du Grand Palais avec la photographie représentant Rossy de Palma, guest star de cette édition , photo par Gorka Postigo

Cyanotype, daguerreotype, platinotype, photogramme, tirage argentique, impression jet d’encre 

Toutes ces techniques sont passionnantes et montrent la diversité de la photographie. Dans cette dernière édition, tout était possible avec aussi bien des découvertes de jeunes talents que des chefs-d’oeuvre de l’histoire de la photographie.

Edward STEICHEN
Edward STEICHEN (1879-1973). Balzac by Rodin. , 2 AM, Meudon, September 1908, 1908. platinotype. 31,9 x 29 cm. Crédité, inscrit et daté au verso au crayon par un auteur inconnu. / Galerie Karsten Greve Paris

Un invité prestigieux était à l’honneur, il s’agissait de Balzac, une toute petite photographie, du célèbre Edward Steichen (1879-1973) qui venait de faire la une de la presse deux jours avant, à New-York, une de ses photographies atteignait aux enchères 11,84 millions de dollars dans la vente de Paul Allen. Celle présentée à Paris Photo chez Karsten Greve était proposée à un prix beaucoup plus raisonnable, 960 000 euros. Il s’agissait d’un tout petit tirage unique qui avait appartenu à Claude Berri et avait été adjugée156 000 euros en 2005. (cf article Balzac et les apprentis photographes).

L’écrivain était bien présent au Grand Palais éphémère, on pouvait y voir cette photographie exécutée par Nadar d’après le daguerréotype représentant le seul portrait de l’écrivain de son vivant. Ainsi Honoré est toujours dans l’actualité !

Trois jours après la fermeture, j’aime à me rappeler les oeuvres qui m’ont marquées, je me souviens d’avoir lu une phrase du célèbre collectionneur Gulbenkian qui aimait ne retenir qu’un seul chef-d’oeuvre à chaque passage dans un musée !

Juliette Agnel
Juliette AGNEL. Taharqa et la nuit #6, 2019/ Fine art print on ultrasmooth mat Hahnemühle paper. 80 x 120 cm. Ed. 2/3/ Galerie Clémentine la Feronnière.

Moi je ferme les yeux et me laisse guider par mes souvenirs de cette visite, la première image qui me vient à l’esprit est celle de Juliette Agnel, les sables dorés et le ciel étoilé de Meroé au Soudan où se trouvent les tombes du pharaon Taharqa. Puis je m’évade dans le futur avec ce couple de photographes Simon Broadbeck et Lucie de Barbuat. Ils ont inventé Isis, une créature de toutes pièces, d’apparence féminine, les images la montre évoluer dans diverses situations, plus vraie que nature, on pourrait se faire avoir. Il s’agit du projet initié par le CNAP qui demandait à quatre artistes de réfléchir aux nouveaux paradigmes de l’image photographique.

Simon Broadbeck et Lucie de Barbuat à côté de Pierre-Elie de Pibrac avec qui ils ont un projet devant leur oeuvre Les mille vies d’Isis” – Commande du CNAP.

Après Isis je passe à Orlan, impossible de la manquer, un solo show lui est consacré galerie Ceysson et Benetière, et après tout Orlan est un peu notre artiste du futur au sens propre comme figuré, elle est sa propre créature, la madone inoubliable de la Fiac de 1977 qui contre 5 francs échangeait “Le baiser de l’artiste”.

Boris MIKHAÏLOV.
Boris MIKHAÏLOV. Untitled from the series “The Theater of war, second act, time out, December 2013” C-print 40 x 60 cm (15 3/4 x 23 5/8 in.)

Une autre star de la photographie que je ne peux oublier, d’une part, par son actualité, une éblouissante rétrospective lui est consacrée à la Maison Européenne de la Photographie et d’autre part, par sa nationalité ukrainienne, il s’agit de Boris Mikhaïlov. Je ne cesse de penser à cette toute petite photo peinte par l’artiste qui se trouve sur le stand de Suzanne Tarasiève, son amie de toujours. Comme une icône, elle a été prise sur les barricades d’Euromaïdan (2013) où il se trouvait avec ses amis, la plupart depuis sont morts au combat, un tirage géant de cette image est exposé dans l’exposition de la MEP. L’artiste est célébré en cette saison à Paris : à la MEP d’abord, avec cette rétrospective “Journal ukrainien” qui présente son itinéraire créatif, depuis l’URSS des années 1970 jusqu’à l’actualité contemporaine de l’Ukraine indépendante de la révolution “Euromaîdan” (2014), à la Bourse de Commerce, “At Dusk”, série teintée au lavis bleu cobalt qui fait le récit de l’Ukraine après les soubresauts de la dislocation de l’Union soviétique au début des années 1990 et Case History (1997-1998) et The Wedding (2006) à la galerie Suzanne Tarasiève (jusqu’au 19 novembre 2022).

Boris Mikhaîlov est un chef d’école, chef de file de photographes tous originaires de Karkhiv. Je retrouve plus loin l’un d’eux Vladyslav Krasnoshchok qui a formé, en 2010, le groupe Shilo, qui s’inscrit dans la filiation directe de Boris Mikhaïlov et de l’école de photographie de Karkhiv, le même sens de l’humour, les techniques, avec la marque tragique de la guerre, Karkhiv étant une ville martyr du conflit, à la frontière russo-ukrainienne. Ainsi, Vladyslav Krasnoshchok a prêté main forte à l’ONG Art Dot pour mettre à l’abri les archives personnelles des photographes de l’école de Karkhiv.

Sur le stand de la galerie Alexandra de Viveiros, qui s’attache à exposer les photographes de cette école (Vladyslav Krasnoshchok, Evgeniv Pavlov, Sergiv Lebedynskvy, Viktor et Sergiv Kochetov Sergiy Solonsky), l’artiste est présent devant sa série de petites photographies noir et blanc, qui constitue le martyrologue de la guerre. Certaines bouleversantes comme cette église bombardée et inondée qui pourrait faire croire qu’elle est située à Venise, c’est aussi ce cheval au galop apparu de nulle part que le photographe capture à travers la fenêtre de sa voiture.

Vladyslav KRANOSHCHOK / Alexandra de Viveiros Gallery
Vladyslav Kranoshchok / Alexandra de Viveiros Gallery

La photographie, comme témoignage, traces de traumatismes, celles de Barry Salzman How we ses the world , l’artiste marqué par l’histoire de sa famille victime de la Shoah, photographie les paysages souvent très beaux de lieux marqués par les horreurs des guerres, en Europe, mais aussi en Afrique…

Barry SALZMAN
Barry SALZMAN “How we see the World” – Au centre : Beyond the Pictorial dimension. Nyamure, Rwanda, 2018. Archival Giclée print on Hahnemühle Photo Rag and Dibond. Signé et numéroté au verso. 114 x 147 cm. Edition sur 8, (+2AP)

Mais Paris Photo c’est aussi des retrouvailles avec les photographes très nombreux, c’est leur évènement ! que je rencontre dans les allées avec qui c’est toujours amusant, instructif de discuter.

Sacha GOLDBERGER
Sacha GOLDBERGER devant la photographie Michey taking a selfie, 2019. tirage argentique avec solarisation. 40 x 50 cm. N° inv. BL50760. Exemplaire n°2/7 entouré de Fiammetta Horvat (fille de Frank) et moi – Galerie Baudoin Lebon

Je retrouve Sacha Goldberger accompagné de Fiammetta Horvat, fille de Frank qui propose de visiter le studio de son père où elle organise des expositions et rencontres avec d’autres photographes, je vous conseille de prendre rendez-vous , vous ne serez pas déçus, non seulement vous pourrez voir les photos de Frank Horvat mais aussi sa collection qui est tout aussi passionnante ! Mais revenons à Sacha Goldberger et prenons la pose tous les trois devant son Mickey galerie Baudoin Lebon !

Jean-Baptiste HuynhJean-Baptiste HUYNH
Jean-Baptiste Huynh. A gauche Flower Children – Portrait 75, 2021 C-Print satiné, Diasec satiné contrecollé sur dibond,
exemplaire 1/10 120 x 120 cm W24983 – A droite : vue d’ensemble / Galerie Lelong & co.

Ce sont aussi ces belles images de Jean-Baptiste Huynh parti à la rencontre des Flower Children, resté en immersion pendant 15 mois au Kenya, il a réalisé tous ses portraits de tous ces enfants habillés de peintures , coiffés de fleurs, de plumes, c’est très beau (Galerie Lelong).

Galerie Sit Down
Marco LANZA. Ricreazione #06 2018-2021. Assemblage de tirages photographiques vintage, encadré. 109 x 208 cm. Oeuvre unique. Galerie Sit Down (détail)

J’ai bien aimé l’oeuvre de l’italien Marco Lanza, galerie Sit Down qui récupère des photographies anciennes dans lesquelles il extrait “le détail qui tue” en découpant un carré qui devient la photo idéale contemporaine. Tous ces petits carrés sont réunis ensuite dans un même cadre, les autres transpercées de ce format carré sont elles aussi présentées dans un second cadre. A vous de replacer le bon carré dans sa photo d’origine !

ALBARRAN CABRERA
ALBARRAN CABRERA The Mouth of Krishna #60504 2022 Pigments, Japanese paper and gold leaf 32,7 x 48,6 cm Édition : 1/10

Un dernier arrêt chez Esther Woerdehoff, où j’ai remarqué les photographies The mouth of Krishna, une série de Anna P. Cabrera & Angel Albarrán, un duo qui s’intéresse à la mémoire, à l’identité et l’alchimie du tirage photographique. Beaucoup de poésie, dans ces images ornées souvent de feuilles d’or, qui retrouvent les teintes des peintres primitifs italiens et de l’iconographie byzantine.

Raphaël Dallaporta
Raphaël Dallaporta – « Equation du temps » Editions The Eyes

Paris Photo est aussi une magnifique librairie consacrée à la photographie, où les livres célèbrent le medium. Les photographies sont reproduites dans des éditions de grande qualité réalisées par des maisons d’exception. J’ai noté pour vous les éditions EXB, Xavier Barral, disparu en 2019, signature reconnue des photographes, où j’ai remarqué “Entre-Temps” de Raymond Depardon. Plus loin, The Eyes Publishing, avec l’Equation du Temps de Raphael Dallaporta, auquel Marie Simon-Malet a consacré un article dans The Gaze of a parisienne, et la présentation en avant-première du livre d’Elsa & Johanna pour leur projet Les douze heures du jour et de la nuit, visibles à la Maison Auguste Comte à Paris 6 jusqu’au 17 décembre 2022. Les artistes sont également exposées au Studio de la MEP pour The Timeless Story of Moormerland.

La monographie XXL de Christo & Jeanne-Claude, dont l’édition est très attendue, était présentée sur le stand Taschen. Sur le même stand, en présence du photographe pour une signature, Bruce Weber a livré son chant dans The Golden Retriever Photographic Society.

Et voilà un mois de la photo bien entamé, à suivre dans les musées, galeries spécialisés ou pas qui proposent des expositions sur le sujet !

A l’année prochaine.

Florence Briat Soulié

Un commentaire

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :