Rembrandt en eau-forte à Fontevraud

THE GAZE OF BRUNO SOULIE 👁️

Derniers jours

Autoportrait avec Saskia, 1636. Eau-forte – deuxième état. Collection Fonds Glénat pour le patri- moine et la création Cabinet Rembrandt – Couvent Sainte-Cécile à Grenoble

Encore lui, direz-vous ?

Le coquillage (Conus Marmoreus) ou la coquille, dit aussi Le Damier, 1650. eau-forte, pointe sèche et burin – deuxième état. Fondation Custodia – Collection Frits Lugt

Le musée d’art moderne de Fontevraud nous fait découvrir une exposition Rembrandt(1607- 1669). Encore lui, direz-vous ? Car Rembrandt fait partie de ces artistes que l’on connaît à force de le côtoyer sans réellement le connaître. De lui on retient l’échec de la Ronde de Nuit, son amour pour son modèle, qui fit scandale dans les Provinces-Unies encore très puritaines et la déchéance finale, avec la vente de son atelier. Pourtant, il fut reconnu très tôt et le XVIIIème siècle le consacre comme l’artiste majeur.

Le Paysage aux trois arbres, 1643. Eau-forte, pointe sèche et burin, état unique
Collection Fonds Glénat pour le patrimoine et la création Cabinet Rembrandt – Couvent Sainte-Cécile à Grenoble

Rembrandt en négatif

L’intérêt de l’exposition est de nous faire découvrir un Rembrandt en négatif, ce qui est le propre de la gravure. Les motifs et les sujets de l’exposition nous accompagnent comme un rappel des grandes œuvres de Rembrandt. Le fond réuni est d’abord exceptionnel : constitué à partir de prêts de trois grandes institutions, la fondation Custodia, le Petit Palais et la fondation Glénat, l’exposition est riche de plusieurs centaines d’oeuvres. 

Saint Jérôme écrivant sous un saule, 1648. Eau-forte et pointe sèche – premier état. Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris (collection Dutuit)

Des oeuvres de format timbre-poste

Elle nous fait pénétrer dans l’intimité de l’artiste car les gravures exposées sont de petit format, parfois d’un timbre-poste, ce qui rend encore plus spectaculaire la découverte des petits détails. C’est un travail intime, comme l’est d’ailleurs la liberté que s’octroie Rembrandt où il peut se déployer sa fantaisie. Rembrandt a illustré tous les genres, les portraits les scènes religieuses tirées de la Bible, Ancien et Nouveau Testament, les scènes de genre de la vie quotidienne, les paysages aux plafonds bas de la Hollande ou encore les « tronies », les trognes, figures déformées ou grotesques. Encore plus fascinant sont les « états » de la gravure, c’est-à-dire les tirages successifs issus de la reprise sur la matrice, du « re-travail » de l’artiste sur la matrice. Se succèdent ainsi les premiers états, puis les deuxièmes voire les troisièmes états, où la précision de la gravure s’estompe de plus en plus

Jeux d’ombre

A gauche : La fuite en Egypte, effet nocturne,1651. Eau-forte et pointe sèche-deuxième état. .Collection Fonds Glénat pour le patri- moine et la création – Cabinet Rembrandt – Couvent Sainte-Cécile à GrenobleA droite : La fuite en Egypte, le passage d’un gué,1654. Eau-forte, pointe sèche et burin – Etat unique. Collection Fonds Glénat pour le patri- moine et la créationCabinet Rembrandt – Couvent Sainte-Cécile à Grenoble

« La fuite en Egypte – effet nocturne » (1651) est particulièrement saisissant avec une nuée obscure qui envahit tout le cadre et les personnages de Marie et de Joseph à la silhouette à peine esquissée. Ces jeux de l’ombre et de la lumière scandent le rythme de l’exposition. La gravure offre aussi à l’artiste la possibilité de variations infinies autour de ses thèmes de prédilection : huit fois la Fuite en Egypte, six fois la Crucifixion et la Descente de Croix, sept fois saint Jérôme, cinq fois la vie d’Abraham, trois fois la vie de Tobie. En revanche, aucune scène mythologique n’est présente dans ces exercices de style.

Jan Asselyn, peintre, dit “Krabbetje”, c. 1647. Eau-forte, pointe sèche et burin – premier état. Petit Palais – Musée des Beaux-Arts dela Ville de Paris (collection Dutuit)

Autoportrait – selfie

Vue de l’xposition, série des auto-portraits de Rembrandt.

L’exposition montre le célèbre « Autoportrait appuyé sur un muret de pierre » (1639) accordé un des premiers auto-portaits de l’exposition, où Rembrandt s’amuse à faire des grimaces, prises sur le vif, tel un « selfie » si on peut se permettre cette licence anachronique (on imagine encore le miroir).

L’exposition s’organise sur un parcours thématique, qui s’enrichit d’une présentation didactique des techniques de la gravure. Car Rembrandt les a toutes utilisées : eau-forte, pointe sèche, burin, voile d’encre sur la plaque de cuivre, traits courts ou longs, lignes et hachures croisées, pour exprimer les nuances du noir et du blanc.

Vue de l’exposition

Rapprochement avec la photographie

Rembrandt exprime l’obscure clarté de la gravure en noir et blanc. Le rapprochement avec la photographie est immédiat et ce n’est pas sans surprise que la gravure connaît un renouveau parmi les artistes contemporains. Comme la photographie, la gravure est un art de l’unique et du multiple, à partir d’un « négatif » constitué par la matrice. Ne passez pas à coté de ces petits chefs d’oeuvre de gravure qui font la renommée de Rembrandt : « le Vieillard au grand manteau de velours noir » (1631), « la Grande Mariée juive » (1635), ou « les Pèlerins d’Emmaüs » (en grande planche – 1654).

La Grande Mariée juive, 1635 Eau-forte, pointe sèche et burin, 5e état Collection Fonds Glénat pour le patrimoine et la création Cabinet Couvent Sainte-Cécile à Grenoble

Pour en savoir plus sur le Musée d’Art Moderne de Fontevraud (cf article précédent)

Autoportrait avec sa mère. Falsification du XVIIIe siècle à partir d’eaux-fores de Rembrandt de 1631 et 1636. Collection Fonds Glénat pour le patri- moine et la création Cabinet Rembrandt – Couvent Sainte-Cécile à Grenoble

Rembrandt en eau-forte

Jusqu’au 24 septembre 2023

Musée d’Art moderne de Fontevraud

Place Plantagenet
49590 Fontevraud-l’abbaye

Commissariat : Dominique GAGNEUX, directrice du musée et Gatien DU BOIS, chargé de projets

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