Kate Barry, my Own Space

Quai de la Photo

Kate Barry (1967-2013) est un ovni ou plutôt une étoile filante de la photographie, l’appareil-photo lui tombe dans les mains et ne la quitte plus, elle a presque trente ans. Une carrière tardive et pourtant on aurait pu croire le contraire, avec une telle famille sous les projecteurs, fille de John Barry, compositeur des bandes musicales de Out of Africa et de James Bond et de Jane Birkin, l’anglaise préférée des français, mitraillée par les objectifs, je pourrais continuer avec le beau-père, les soeurs que je ne citerai pas. Elle a choisi elle, d’être derrière la camera et d’être celle qui capture les images.

A gauche : Kate Barry – Autoportrait [pour Elle] 2001 – Impression numérique © Kate Barry

Le titre de l’exposition reprend celui du livre du commissaire de l’exposition, Sylvain Besson, paru aux éditions de La Martinière.

 « La photo n’a pas été une évidence. Loin de là. C’est un amoureux quand j’avais 16 ans qui m’a donné mon premier appareil photo. Et c’est encore un amoureux qui m’a donné un appareil photo bien plus tard, à 28 ans. C’était un plaisir que je ne voyais pas. Je me suis fait plaisir plus tard, quand cette notion a pris de l’importance, quand il a fallu construire à nouveau. J’ai pu créer mon espace, un espace à moi. » 

Kate Barry, entretien avec Léo Scheer (2005)
Quai de la Photo

Ce n’est qu’en 1995 qu’elle se lance, après des études de styliste, une marque de vêtements qu’elle crée, durée très limitée, 1 an et enfin cet appareil photo qui s’accroche à elle et qu’elle ne quittera plus. Des débuts en faisant des portraits de ses proches Jane Birkin et France Gall, pour qui elle crée une pochette de disque, puis ses soeurs Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon en Bretagne dans la maison de sa mère aux bords des abers. Une succession de commandes pour la mode suit, elle a cette idée très précise de ce qu’elle entend par photo de mode, exit les décors et accessoires préparés par les directeurs artistiques et rédacteurs en chef, de sa voiture, elle sort des objets, ustensiles incongrus. Toujours cette oppression qui pèse sur ses modèles avec des séances de pose très longues, épuisantes, elle leur impose des postures insolites, contraintes, l’équilibre souvent fragile, Benjamin Biolay se retrouve sous un fauteuil, Jane Birkin en équilibre sur des chaises… chaque détail de ses mises en scène est ciselé avec une précision d’orfèvre. Ombre et lumière dessinent cette vérité furtive orchestrée par la photographe Kate Barry.

Kate Barry – Mode [pour Cosmopolitan]2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry

En 2002, elle rencontre l’écrivain journaliste Jean Rolin, ils font ce livre sur Dinard, l’un écrit , l’autre photographie les paysages, toujours sans ciel, des lieux abandonnés récupérés par la nature. Textes et images sont indépendants l’un de l’autre et n’ont de commun que ce petit livre bleu dans lequel ils sont réunis.

«Je suis venu au monde à Dinard, dans le cours de l’année 1953, pendant la projection d’un film d’actualités – celles-ci légèrement différées – illustrant le couronnement de la reine d’Angleterre. Par un phénomène extrêmement rare, et que je ne m’efforcerai pas d’éclaircir, je suis né de ma grand- mère (ma mère, qui vivait alors au Congo, étant dans l’impossibilité de me donner le jour à Dinard), et âgé déjà de plusieurs années : peut-être trois ou quatre, j’en ai perdu le compte, et d’ailleurs je n’attache personnellement aucune importance à ces détails. 


Jean Rolin, extrait du livre : Kate Barry,  Jean Rolin Dinard – Essai d’autobiographie immobilière Photographies de Kate Barry
Vue de l’exposition

Une artiste intuitive, d’une sensibilité extrême qui se ressent sur ses clichés, toujours très justes que ce soit des paysages ou de la mode ou aussi des portraits d’inconnus comme cette série des métiers réalisée à Rungis pour les 40 ans du marché. Kate Barry, la discrète, se protégeant derrière son objectif est en contraste avec son illustre famille toujours face caméra.

Kate Barry aimait imaginer ses propres expositions et fabriquait de petites maquettes en carton, et les tirages qui sont montrés sont à l’échelle, respectant ses intentions.

Après sa disparition, sa famille a confié l’intégralité de ses négatifs couleur et noir et blanc, sa production numérique, ses planches-contacts, une sélection de tirages ainsi que ses deux principales expositions, au musée Nicéphore Nièpce qui a organisé cette exposition avec le Quai de la photo, nouveau lieu dédié à l’image au bord de Seine face à Bercy où on peut se restaurer, partir en balade sur la Seine en empruntant un des bateaux de collection, voir une exposition et feuilleter les livres de la librairie.

Kate Barry – My Own Space

Quai de la Photo

9 Port de la Gare, 75013 Paris

Jusqu’au 20 mars 2024

Commissaire : Sylvain Besson

Entrée libre

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