Julia Margaret Cameron, une femme sacrément inspirante

Paris mode photo, avec ces jours-ci Paris Photo et Julia Margaret Cameron (1815-1879) au Jeu de Paume, une oeuvre à part, celle d’une d’une pionnière de la photographie qui a eu une très courte carrière mais intense. Elle a créé cet univers si particulier pour l’époque, en photographiant tous ces portraits réunissant illustres et proches de son entourage, tous logés à la même enseigne. La photographe essayant à tout prix de “Capturer la beauté” de ses modèles, comme le souligne le titre de l’exposition. Elle aimait tant rencontrer les gens, les recevoir, et tous ses portraits qu’elle réalise semblent une façon pour elle de les garder auprès d’elle. Ils sont accrochés sur les murs, distribués aussi bien à ses amis qu’à des passants croisés.

Julia Margaret Cameron, femme photographe est sacrément inspirante, une famille romanesque, sa mère française très belle et sensible descendait d’un page de Marie-Antoinette et un père anglais à la réputation douteuse, elle est la tante de Virginia Woolf qui a édité sa monographie, lue dans un podcast par l’actrice Clémence Poesy. Fantasque, extravagante et passionnée, faisant fi des convenances, son premier appareil photo est un cadeau de sa fille à sa mère de 48 ans et le début d’une carrière incroyable. Sur l’île de Wight, son poulailler est converti en studio, adieu poules et poulets !
« J’ai converti mon abri à charbon en chambre noire, et le poulailler vitré que j’avais offert à mes enfants est devenu ma maison de verre ! […] la compagnie des poules et des poulets céda bientôt la place à celle des poètes, prophètes, peintres et ravissantes jeunes filles ».

Enthousiaste par sa modernité, elle s’empare de ce nouveau médium, impose son style et excelle dans les portraits de ses proches, son modèle favori est Mary-Ann Hillier, une jeune domestique à son service. Tous, artistes, famille, amis, célébrités, se costument et se prêtent à ses scénographies allégoriques, littéraires, religieuses. Les robes sont légères, les corsets aux oubliettes rappellent le style “en chemise” ou “en gaulle” créé par Elisabeth Vigée-Lebrun et porté par Marie-Antoinette.

Plans très rapprochés et flou artistique sont sa signature, elle utilise cette technique appelée « soft focus», des contours qui s’effacent et donnent cette douceur particulière, accentuant ce côté romantique et esthétique.

Une quête de la beauté, qu’elle ne cesse d’expérimenter à travers toutes ces images. Temps de pose interminables, clairs obscurs, le négligé des femmes en cheveux, les regards mystérieux, les étoffes en mouvement constituent sa marque. Elle crée ainsi son vocabulaire de la photographie qui sera suivi par de nombreux photographes.

Professionnelle née, elle organise des books, n’oublie pas de mentionner les copyrights, elle est exposée, et grâce à Henry Cole, fondateur et directeur du musée, elle rentre dans les collections du South Kensington Museum (ancien Victoria & Albert Museum) dès 1860, ce fonds n’a cessé de croître par des dons et acquisitions qui ont suivi.

Julia Margaret Cameron diffuse son art et adresse en plusieurs envois une trentaine de photographies, certaines de la série The Angel at the tomb à l’illustre Victor Hugo. Elle semble indifférente aux mauvaises critiques et moqueries souvent misogynes sur son travail et publiées en partie dans le journal de Photographic Society of London devenu ensuite la Royal Photographic Society (RPS) et qui aujourd’hui s’enorgueillit de posséder la plus grande collection de ses oeuvres. Aucun obstacle ne l’empêche de poursuivre sa carrière jusqu’à son départ pour Ceylan, où elle cesse peu à peu de photographier à part quelques prises de vues, montrées au Jeu de Paume.

Entrepreneuse et artiste, elle a donné cet élan aux futures femmes photographes qui ont dû voir les photographies de Julia Margaret Cameron dans les revues ou expositions et ont suivi son exemple Je pense à cette exposition aux musées d’Orsay et de l’Orangerie, Qui a peur des femmes photographes ? le portrait ovale de sa nièce Julia Jackson, comme un camée, faisait la couverture du catalogue et donnait ainsi le point de départ de l’évènement.

Cameron pense à tout, pour compléter son oeuvre, elle pense à écrire Annales de ma maison de verre, un témoignage unique sur sa vision personnelle de la photographie à son époque agrémenté de souvenirs personnels.

« J’aspirais à capter toute la beauté qui se présentait devant moi et finalement, cette aspiration a été satisfaite. »
Etrange de découvrir qu’il n’existe pas d’ autoportrait de Julia Margaret Cameron, seul celui de son fils Henry Herschel Hay Cameron, termine l’exposition, elle a 55 ans, il n’est plus question de flou artistique, son visage apparait sans aucun artifice, décidé avec cette pointe de mélancolie.


